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Travailler en contexte plurilingue

Le plurilinguisme est un objet de fierté en Suisse. De nombreuses personnes sont amenées à utiliser plusieurs langues au travail. Quelles sont les conditions pour que cette coexistence soit harmonieuse?

Collaboratrice marketing et communication au secrétariat romand de la Société des employés de commerce, Maria Borel a l'habitude de jongler avec les langues. Son travail implique de communiquer quotidiennement en allemand avec les collaborateurs du secrétariat central à Zurich et en français avec ceux des sections romandes. Une fonction qui l'amène, entre autres, à effectuer régulièrement des traductions de textes variés et à animer des événements ou des ateliers impliquant les employés des différentes régions linguistiques. «Mon parcours professionnel et personnel m'a amenée à maîtriser l'allemand, le français et l'italien: je considère cela comme un cadeau qui m'a été fait et il est important pour moi de le partager en contribuant à une meilleure compréhension entre les régions linguistiques.»

Cette maîtrise des langues, Maria Borel la doit en premier lieu à un contexte familial favorable: issue de l'union entre une Suisse alémanique et un Italien, elle maîtrise deux langues nationales avant même de commencer l'école. Durant sa scolarité en ville de Berne, ses connaissances en italien lui facilitent l'acquisition du français. Par la suite, elle effectue un apprentissage d'employée de commerce dans une ancienne régie fédérale: «J'avais l'occasion de côtoyer des collègues romands pour pratiquer mon français. Les postes que j'ai occupés ensuite impliquaient aussi de bonnes connaissances en allemand et en français. La vie privée a fait la différence lorsque j'ai épousé un francophone et que nous nous sommes installés en Suisse romande. Aujourd'hui je parle indifféremment les deux langues, je me sens à l'aise dans les deux cultures.

Plurilinguisme en Suisse

S'il est clair que tous les citoyens suisses ne sont pas en mesure d 'afficher une telle maîtrise des langues nationales, beaucoup d'entre eux sont néanmoins amenés à les utiliser (ainsi que l'anglais) dans le cadre de leur travail, selon une étude publiée l'an dernier par l'Office fédéral de la statistique.

Bien que souvent valorisé et recherché dans le monde professionnel, le plurilinguisme se heurte toutefois à certaines difficultés. La Suisse compte 62,5% de germanophones, 22.9% de francophones, 8.2% d'italophones et 0.5% de romanchophones. Il y a donc un rapport de force entre les langues qui n'est pas sans répercussions. «Pour les Romands et les Tessinois, la conscience de la culture germanophone est une évidence car ils y sont confrontés quotidiennement, ne serait-ce qu'en regardant le téléjournal: le Palais fédéral à Berne, la place financière à Zurich, l'industrie pharmaceutique à Bâle, etc. Le contraire est moins évident. Au niveau professionnel, je dois régulièrement rappeler notre existence à nos collègues germanophones», explique Maria Borel.

Mais par ailleurs, elle avoue faire également face à une certaine résignation et à du scepticisme de la part des francophones à l'égard de ce qui vient d'outre Sarine: «On a parfois de la peine à amener les francophones à participer à des événements qui se tiennent en Suisse alémanique», regrette-t-elle. Le fait que l'allemand enseigné dans les écoles ne permette pas aux francophones et italophones de comprendre et de s'exprimer dans les dialectes utilisés par leurs compatriotes germanophones représente en effet un frein fréquemment évoqué.

L'exemple biennois

Bienne est officiellement l'unique ville bilingue de Suisse, avec une population à 58% germanophone et 42% francophone. Suite à la publication d'une étude à la fin des années 1980 qui mettait en évidence le fait que les francophones se sentaient moins bien traités que les germanophones, la ville de Bienne a créé le Forum du bilinguisme, une fondation dont la mission consiste à veiller à une cohabitation harmonieuse entre les populations francophones et germanophones. Reconduite en 2016, l'étude pointait également une plus grande difficulté à l'embauche pour les francophones que pour les germanophones.

Il a donc été décidé d'établir en 2017 un baromètre du bilinguisme en entreprise dans la région en collaboration avec les chambres d'économie publique de Bienne et du Jura bernois. Celui-ci a permis d'aboutir à la publication d'une liste de bonnes pratiques en entreprise:  «Il s'agit d'éléments pratiques tels que nommer une personne déléguée au bilinguisme, veiller à une attribution des postes correspondant à la répartition linguistique ou encore favoriser les tandems linguistiques. Ce sont d'ailleurs des pistes susceptibles d'être employées par toute entreprise concernée par le bilinguisme, même au-delà de notre région», explique Virginie Borel, directrice du Forum du bilinguisme.

Un label du bilinguisme

Les entreprises particulièrement investies dans la promotion du bilinguisme peuvent prétendre à un label délivré par le Forum du bilinguisme. «Nous avons développé ce label car nous sommes convaincus que le fait de disposer d'employés des deux cultures constitue une plus-value pour les entreprises et que le monde économique peut montrer la direction», commente la directrice. Aujourd'hui, près d'une quarantaine d'institutions publiques et privées ont passé la procédure de labellisation avec succès.

L'Agence générale biennoise de la Vaudoise assurances, qui vient d'obtenir le Label du bilinguisme pour la quatrième fois, fait figure de bon élève. Pour son agent général  Jean-Marc Hofstetter, ce label constitue une réelle plus-value: il montre aux futurs clients qu'ils sont les bienvenus et qu'ils seront traités avec des égards dans leur langue: «Pour moi, il est impensable de se limiter à fournir des contrats dans les langues nationales. Dans un métier comme le nôtre, où l'on se rend encore fréquemment au domicile des gens, on doit pouvoir les conseiller dans leur langue. C'est pour cette raison que nous sommes fiers d'être la première assurance sur place à avoir le Label.

Jouer le jeu

À la Vaudoise assurances à Bienne, les séances se tiennent dans les deux langues. Si tout le monde doit pouvoir parler et être compris dans sa langue, les personne sont aussi incitées à se lancer dans la langue partenaire, même si elles commettent des erreurs: leurs collègues leur viennent en aide avec bienveillance. Lors de workshops ou de conférences, l'agent général veille à une alternance des langues et, lorsque cela n'est pas possible, qu'une traduction de la présentation soit remise par écrit aux locuteurs de l'autre langue. «Pour que cela fonctionne, tout le monde doit jouer le jeu: cela nécessite un certain engagement, mais le jeu en vaut clairement la chandelle», conclut l'agent général.

Le bilinguisme en entreprise: bonnes pratiques

Principales langues de travail en Suisse

  • Suisse alémanique: allemand (87%), suisse-allemand (81%), anglais (37%), français(17%), italien7%.
  • Suisse romande: français (97%), anglais (29%), allemand (16%), suisse-allemand (4.6%), italien (4.3%).
  • Suisse italienne: italien (96%), allemand (29%), anglais (24%), français (16%), suisse-allemand (7.1%).

Source: Les langues au travail, OFS 2018

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