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Un gratte-papier talentueux et inspiré

Peut-on devenir humoriste après avoir été employé de commerce? Apparemment oui. Après son apprentissage de commerce, Nathanaël Rochat a réalisé son rêve: faire rire le public de Suisse romande lors de ses chroniques à la radio et de ses spectacles.

Nathanaël Rochat est plongé dans la lecture du 20 Minutes. «C’est pas pour m’informer que je lis, c’est pour être sûr de ne pas passer à côté d’une éventuelle pépite pour ma prochaine chronique à la radio», confie-t-il. Natif de la Vallée de Joux, Nathanaël Rochat est humoriste. On peut le voir sur scène – il vient de terminer la tournée intercantonale d’un spectacle en collaboration avec son collègue Thomas Wiesel – et l’écouter sur les ondes de la RTS où il assume plusieurs chroniques par mois au sein de l’émission dominicale «Les beaux parleurs». Il est également engagé dans le cadre de soirées et de galas d’entreprises ou d’associations qui, en termes de rendement, constituent pour lui le nerf de la guerre: «C’est un exercice difficile parce ce que c’est toujours des publics différents pour lesquels je ne dispose pas forcément d’un classeur de blagues en stock.» L’humoriste s’efforce en effet autant que possible de faire en sorte que les gens se sentent concernés. Enfin, il participe à des plateaux avec plusieurs humoristes. «C’est ce que je préfère: ça ne paie pas beaucoup, mais ce sont des moments sympas parce qu’on est entre copains. On rigole et on s’aime bien, même si parfois on se jalouse un peu!»

Du bonheur et du stress

Comme il le dit lui-même, le style de Nathanaël Rochat est empreint de populisme. «J’essaie de me mettre à la place de monsieur et madame tout le monde, je me demande ce qu’ils diraient sur tel ou tel sujet. Le bon sens populaire, en somme.» Si ses chroniques piquent parfois les décideurs du monde économique et politique, elles ne sont jamais trop méchantes: «Ma règle, c’est de garder l’air plus bête que ceux que j’attaque. C’est d’ailleurs souvent le cas», sourit-il. L’humoriste cultive aussi l’art d’être à côté du sujet, notamment lorsque le contexte est délicat. Plutôt que d’entrer frontalement dans la polémique qui fait rage à Lausanne autour du deal de rue, il préfère par exemple s’amuser de l’image un brin désuète des policiers lausannois qui assurent la sécurité de la ville à vélo et en camping-car!

«Sur scène devant une salle qui rit, on se sent un peu rockstar. Et quand je reçois des messages encourageants de gens qui me demandent de continuer à les faire rire, c’est très gratifiant!» Mais si le métier a de quoi faire rêver, il a aussi ses contraintes. Le fait d’avoir des échéances régulières génère beaucoup de stress: «Quand vous êtes humoriste, vous êtes constamment à la recherche de sujets. En plus, tout ce qui vous entoure est potentiellement exploitable: du coup vous ne vous arrêtez jamais, ça vous poursuit et il est très difficile de tirer la prise», confie-t-il. Les horaires aussi ont leurs inconvénients: «Vous vous produisez la plupart du temps quand le reste du monde a congé, vous êtes donc toujours un peu en décalage. En tant que père, par exemple, ce n’est pas toujours évident.»

«Et quand je reçois des messages encourageants de gens qui me demandent de continuer à les faire rire, c’est très gratifiant!»
Nathanaël Rochat

Du bureau à la scène

Avant d’embrasser la carrière artistique, Nathanaël Rochat était employé de commerce. Une formation qu’il a suivie sans que cela ne soit vraiment une vocation: «A l’époque, j’enchaînais les années sabbatiques. Je me destinais à une carrière universitaire, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Devant l’insistance de mes parents, j’ai commencé un apprentissage d’employés de commerce dans une étude d’avocats.» Une expérience qui ne lui laissera pas un souvenir impérissable: «On m’a posé devant un ordinateur et on m’a donné du boulot. Point. J’ai tout dû apprendre par moi-même. J’avais surtout l’impression d’être un employé bon marché et bonne pâte qu’on pouvait envoyer au pressing chercher les chemises du patron.» Le responsable de l’étude était désorganisé et lui demandait régulièrement de faire des heures supplémentaires, notamment le soir. «Quand vous êtes jeune, on vous apprend à obéir aux adultes: moi je pensais que c’était normal et j’avais un certain goût du travail bien fait. Ce n’est que plus tard, quand j’ai quitté cette étude pour une autre où on me disait de rentrer même si je n’avais pas fini tout mon travail, que je me suis rendu compte que j’avais été mobbé», se souvient-il.

A cette époque, il passe avec succès le concours donnant accès à la formation de contrôleur aérien. «Il s’agissait d’un travail assez prestigieux qui aurait certainement été intéressant, mais j’avais des ambitions artistiques et je sentais qu’en optant pour cette carrière, je risquais de me retrouver tout d’un coup à l’âge de la retraite et d’avoir abandonné mes rêves.» Il préfère donc poursuivre son activité de secrétaire juridique à temps partiel afin de dégager un minimum de temps pour concrétiser ses rêves.

Si Nathanaël Rochat se souvient a posteriori avoir à plusieurs reprises présenté des sketches durant son enfance à l’occasion des fêtes de familles, ce n’est pas vers l’humour et la scène qu’il s’oriente au départ. «Je voulais faire des trucs plus sérieux, j’ai beaucoup écrit. De la poésie, notamment.» Ses ouvrages sont cependant restés dans un tiroir. En revanche, il commence à participer à des scènes libres à Lausanne et Yverdon où il présente des sketches: «Au départ, c’était vraiment un hobby, je me préparais pendant des semaines!» Petit à petit, les choses se mettent en place: l’agent Pierre Naftule l’approche pour lui proposer ses services et on l’engage pour faire des chroniques à l’émission radiophonique «La soupe est pleine»: «Le fait qu’on me paye signifiait que mon travail avait de la valeur et que je n’avais pas gratté du papier dans le vide pendant toutes ces années, c’était une forme de reconnaissance.» Les engagements allant croissant, il décide en 2012 de se consacrer entièrement au métier d’humoriste: «Après dix ans dans une étude, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour et je me suis dit qu’il valait mieux faire une seule chose à moitié plutôt que deux», explique-t-il, sourire en coin.

Regard Rétrospectif

Nathanaël Rochat ne renie en rien son passé d’employé de commerce. «Je n’étais pas plus malheureux qu’aujourd’hui: les discussions entre collègues, les contacts et les horaires réguliers sont des éléments qui ont de la valeur et qui me manquent parfois», explique celui qui tenait il y a cinq ans encore un bêtisier des éléments à la fois drôles et agaçants qu’il observait quotidiennement au bureau. Surtout, les compétences acquises durant sa formation lui permettent aujourd’hui d’administrer sa petite s.a.r.l. de l’humour dont il est le président et le seul membre!

«Quand vous êtes jeune, on vous apprend à obéir aux adultes: moi je pensais que c’était normal et j’avais un certain goût du travail bien fait.»
Nathanaël Rochat

Auteur

  • Dominique Nussbaum

Photo

  • Louise Rossier

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