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New Leadership: diriger dans le monde de l’après-Covid

Le travail mobile et flexible (Flex Work), le travail à distance (Remote Work) ainsi que la collaboration et la communication numériques caractérisent désormais notre quotidien professionnel et constituent une nouvelle normalité. Dans ce contexte, la direction et la gestion évoluent pour passer d’une conception hiérarchique à une approche collective favorisant l’esprit d’équipe.

En 2013 déjà, l’Institut suisse d’économie d’entreprise SIB parvenait dans son étude sur «L’avenir du leadership» à la conclusion que les trois dimensions de la direction, à savoir la hiérarchie, le marché et la démocratie, devaient désormais être adaptées et combinées en fonction des différentes situations. Autrement dit: la direction hiérarchique, longtemps considérée comme la seule forme de gestion, n’a pas totalement disparue du monde du travail, mais elle a considérablement perdu de sa pertinence.

Pendant très longtemps, les entreprises ont été dominées par des structures et des processus figés dont la gestion était basée sur le contrôle. Mais au plus tard depuis la crise de coronavirus et l’obligation du travail à domicile qu’elle a imposée, le contrôle physique des employé-e-s n’est plus possible. Il faut donc une autre approche du management: les cadres doivent faire confiance à leurs collaborateurs-trices, les accompagner dans les nouveaux processus numériques et, simultanément, encourager l’esprit d’équipe afin d’assurer la cohésion du groupe malgré la distance. Cette mutation ne peut certainement pas être réalisée complètement du jour au lendemain, mais de nombreuses entreprises n’ont pas eu le choix suite aux mesures ordonnées par la Confédération. Maintenant, au sortir de la crise du Covid, les entreprises et les cadres qui continuent de répondre aux nouveaux besoins de leurs employé-e-s par une gestion adéquate – mesures bottom-up, indépendance de décision, coaching, autonomisation, etc. – témoignent de leurs capacités d’adaptation. Les valeurs d’entreprise doivent faciliter une culture ouverte et participative où la confiance, le respect et l’estime jouent un rôle central.

Ce que les futurs dirigeants devront apporter

Même s’il doit permettre aux équipes de s’organiser elles-mêmes, de travailler de manière indépendante et de prendre leurs responsabilités, le leadership moderne requiert toujours des dirigeant-e-s. Ces personnes fixent le cadre, se positionnent et s’assurent que les collaborateurs-trices ont suffisamment de liberté pour travailler de manière optimale. C’est pourquoi elles doivent répondre à des exigences toujours plus larges et être capables de réévaluer la situation en permanence. Elles doivent aussi être en mesure de désamorcer certains problèmes. Il est donc important de bien communiquer et d’accepter que même les cadres les plus compétents ne peuvent et ne doivent pas décider tout seuls de tout. Le directeur du SIB Michel Vinzens résume ainsi les qualités humaines d’un leader: «Il, ou elle, doit non seulement être intègre et compétent, mais doit aussi être un bon communicateur, ce qui veut surtout dire être capable de donner un feedback constructif. Un décideur devrait en outre agir en vue de trouver des solutions, traiter les collaborateurs-trices avec estime et être capable de gérer les résistances.» Les cadres doivent en outre être crédibles et savoir rire de temps à autre.

Que les collaborateurs-trices travaillent à temps partiel, à domicile ou au bureau est égal, mais il faut que l’équipe fonctionne, explique le directeur du SIB. «Et la responsabilité n’en incombe pas seulement aux cadres, mais à tout le monde: employé-e-s et supérieur-e-s. » Ceux et celles qui ont la possibilité de travailler selon un modèle flexible doivent bien comprendre que ce système ne fonctionne que si chacun-e apporte sa contribution. La situation créée par le Covid a accéléré, voire forcé, la transition vers le monde du travail flexible.

 «La nouvelle normalité»

Dans une étude de tendance consacrée aux changements qu’il faut attendre dans les modes de vie, les affaires et sur les marchés dans le monde de l’après-Corona, l’Institut du futur de Francfort-sur-le-Main constate que cette crise a constitué un test pour le New Work et a montré à quelle vitesse les entreprises peuvent s’adapter. «En toute hâte, on s’est essayé aux meetings en ligne et aux webinaires. Et on a très vite constaté que l’élément décisif pour le succès n’est pas la technique, mais un changement des comportements sociaux.» L’isolation physique n’a pas été synonyme d’isolation sociale et les équipes ont donc pu continuer à collaborer, la culture d’entreprise et l’attitude des cadres jouant ici un rôle décisif. «L’important était le degré d’aptitude des cadres au Remote Management, autrement dit la gestion à distance. Et ce qu’on pourrait appeler leurs valeurs normatives: confiance, orientation sur les résultats, tolérance.»

Remote Management

Pour les cadres, les formes flexibles de travail telles que le home office et le temps partiel signifient qu’ils doivent accorder davantage d’attention que par le passé à l’organisation du quotidien des équipes en veillant particulièrement à une bonne communication. Les fonctions de chat, les vidéoconférences ou SharePoint permettent d’organiser des réunions à court terme et peuvent certainement les aider à accompagner et à soutenir les employé-e-s – même si ces employé-e-s travaillent probablement ailleurs ou selon des horaires différents. Dans cette nouvelle forme de collaboration, le processus doit être développé et géré en commun avec l’équipe. L’établissement d’une charte d’équipe (voir le modèle élaboré par la Société des employés de commerce) permet de se mettre d’accord sur les valeurs, les structures et l’atteignabilité. Des accords que les membres du groupe soutiendront puisqu’ils en sont aussi responsables.

Encourager et exiger

Renato Grasso enseigne depuis 2012 le leadership et les RH au SIB et a de nombreuses années d’expérience de direction. Dans Context, l’ancien magazine des membres de la SEC, il expliquait: «Il est indispensable que ceux et celles qui veulent occuper un poste de direction apprécient le contact avec les gens et soient déterminé-e-s à atteindre quelque chose dans leur nouvelle fonction.» Être chef-fe n’est pas de tout repos, mais demande de travailler dur et parfois aussi de prendre des décisions impopulaires. Ce spécialiste, qui a suivi plusieurs cours de direction à la Poste, est un ardent partisan du principe «encourager et exiger». «Il faut en finir avec la culture de l’erreur et encourager le personnel dans ses points forts tout en lui donnant un feedback constructif.» La diversité des générations constitue à ses yeux un défi particulier dans la conduite des collaborateurs-trices. «Alors qu’une bonne partie des employé-e-s âgé-e-s recherchent la continuité, les jeunes veulent avancer», dit Renato Grasso. La tâche d’un supérieur est de répondre à ces différents besoins. Il souligne «qu’il se réjouit de voir ses gens progresser ou suivre des formations continues». Dans son domaine, la numérisation est un thème récurrent. «Pour moi, en tant que dirigeant, cela veut dire soutenir les processus d’adaptation de manière ciblée, active et efficace. Le mot-clé est la gestion du changement», explique-t-il.

Direction collaborative

Les entreprises doivent trouver et mettre en place les formes de direction collaborative qui leur conviennent le mieux et il leur faut pour cela revoir fondamentalement leurs pratiques en matière de ressources humaines, disent Sybille Sachs et Matthias Mölleney de la Haute école d’économie de Zurich HWZ. Dans leur ouvrage «Beyond Leadership» paru en 2019, ils plaident pour le démantèlement des hiérarchies, une collaboration d’égal-e à égal-e et une culture d’entreprise basée sur la confiance, le respect et l’estime. «L’approche Beyond-Leadership est une démarche structurée qui encourage les personnes à engager toutes les facettes de leur personnalité pour atteindre des objectifs ensemble», résume Sybille Sachs.

«Il est indispensable que ceux et celles qui veulent occuper un poste de direction apprécient le contact avec les gens et soient déterminé-e-s à atteindre quelque chose dans leur nouvelle fonction.»
Renato Grasso, enseignant le leadership et les RH au SIB
  1. L’approche «Au-delà du leadership/beyond leadership» a été développée en 2008 par Patrick D. Cowden, qui a notamment été le CEO de Dell pour l’Allemagne. Son credo: ne pas se concentrer sur les processus ou les instruments, mais sur les personnes. Il dit notamment: «Les groupes obtiennent de meilleurs résultats quand les personnes ne travaillent pas seulement ensemble, mais les unes pour les autres; quand elles se sentent liées entre elles et s’engagent pour des objectifs élaborés en commun.»

    L’élément central de Beyond Leadership est un cycle d’activation qui prend la forme d’un Workflow. Structuré et géré, ce processus doit permettre de développer un esprit d’équipe chez les individus. Après un «Check-in» en commun (première phase), la deuxième phase («Connect») est destinée à prendre conscience de sa propre personnalité. Les interactions, les feedbacks positifs en petits groupes et la réflexion dans le cadre de groupes de rencontre jouent ici un rôle déterminant. Les principaux instruments de mise en œuvre sont des questions valorisantes et une écoute attentive.

    Dans la troisième phase, «Align», l’attention passe du moi au nous. Elle permet de définir l’identité de l’équipe ou de l’entreprise, identité qui doit servir de base pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Dans la quatrième phase, «Imagine», les participant-e-s élaborent une vision de l’avenir souhaité. La cinquième phase, «Commit», constitue un retour sur soi et la contribution que j’apporterai à la réalisation des objectifs communs. «Act», la sixième phase, est celle de la réalisation des prestations promises par le biais des contributions concrètes des membres. Le cycle du workflow s’achève par un «Debriefing» commun et un «Check-out».

    • Check-in: se concentre sur le thème central
    • Connect: se connaître à un haut degré
    • Align: définition d’une identité commune
    • Imagine: développement de solutions réalistes
    • Commit: engagement vers la réalisation
    • Debriefing: un approfondissement décisif
    • Check-out: réflexion commune

    Le cycle d’activation est décrit en détail dans le manuel de gestion «Beyond Leadership».

Publié le: 03.03.2022

Auteure

  • Claudia Agnolazza

    Communications Manager beim Kaufmännischen Verband Schweiz

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