Un jeune homme* fait actuellement appel à une psychologue. Il est profondément attristé et ne parvient plus à assumer ses activités professionnelles et privées sans ressentir de stress. Il y a un an encore, il ne se serait jamais imaginé pouvoir être victime d'une telle crise. Et cela à cause du travail. Burn-out – il pensait que ce phénomène ne touchait que les personnes plus âgées et que du haut de ses 24 ans, il n'y était pas exposé.

Que s’est-il passé? Après avoir obtenu son diplôme universitaire et achevé un stage avec succès, il débute sa carrière professionnelle dans le secteur financier d’une grande entreprise. Durant l’entretien d’embauche, on lui promet qu’il pourra se familiariser à ses tâches en toute tranquillité et qu’il serait aidé. La réalité se révèle très vite bien différente. Beaucoup plus tôt que prévu, il doit assumer la responsabilité d’un gros projet pour lequel il ne dispose pas du savoir-faire nécessaire. Dès le début, il ne reçoit ni d'appréciation ni de soutien de la part de son supérieur. Il est confronté à des instructions peu claires et contradictoires. Il travaille beaucoup, souvent le soir et les week-ends. Après quelques mois, il n’est plus en mesure de déconnecter. Il ne pense plus qu'au travail et à ses performances, il souffre d’insomnies, de peur de l’échec et de troubles de la concentration. Au bout de dix mois, il est licencié.

«Lors de la première consultation, il s'agit d'abord de cerner la personne puis, sur la base de sa biographie et de ses traits de caractère, de réfléchir et d’analyser la situation», explique la psychologue Brigitte Hiestand. Avec un peu de recul et beaucoup de travail sur soi, son client s’est rendu compte qu’il n’était pas le seul responsable de ce début de carrière difficile. S’il devait se retrouver dans une situation similaire, il prendrait vraisemblablement en considération certains signaux plus tôt et solliciterait plus rapidement une aide externe.

Le stress: un défi

De quoi parle-t-on lorsque l’on fait référence au stress? Selon le Job Stress Index, le stress représente un déséquilibre entre la charge de travail à laquelle une personne est confrontée et les ressources dont elle dispose. La dernière enquête (2020) montre que la part des personnes ayant plus de charges que de ressources s'élève à 29,6%. Il y a toutefois une bonne nouvelle: la majorité des employé-e-s suisses ont une relation équilibrée entre les ressources et les charges (50,83%). La comparaison des différents groupes d'âge montre qu'en Suisse, les jeunes actifs âgés de 16 à 24 ans présentent le taux de stress le plus élevé. (cf. Sondage auprès des jeunes diplômé-e-s de la formation commerciale initiale 2021) .

Brigitte Hiestand se sert souvent de l’image de la balance à plateaux qui représente les charges et les défis d’un côté et les ressources de l’autre. Chez ses client-e-s, cette balance est souvent déséquilibrée, et ce depuis longtemps. Après une analyse de la situation, la question est de savoir comment renforcer les ressources. En principe, cela concerne tout ce qui procure du plaisir: famille, amis, sport, hobby, nature, etc. «Lorsqu’une personne est stressée par son travail, elle commence souvent justement par tirer un trait sur les activités qui lui feraient du bien, pour faire des heures supplémentaires et privilégier ses performances», explique Brigitte Hiestand. La personne concernée peut se retrouver piégée dans une spirale qui aboutit souvent à un épuisement prolongé, voire un burn-out. Durant ses séances, Brigitte Hiestand essaie de trouver avec la personne concernée des moyens de sortir de cette spirale.

Pour beaucoup de ses client-e-s, le stress n’est pas dû à une surcharge de travail mais à des conflits interpersonnels. Ils ne s’entendent pas avec leur supérieur-e ou leurs collègues de travail. Par exemple, les équipes sont recomposées à la suite d'une fusion ou à une restructuration et des processus peu clairs et des directives contradictoires résultent de ces changements. Les employé-e-s se sentent souvent harcelé-e-s, intimidé-e-s ou tout simplement non désiré-e-s. Brigitte Hiestand se souvient de l’histoire d’une employée modèle de 60 ans qui a repris son poste après une année sabbatique. A son retour, plus rien n’était comme avant. Tout ce qu’elle faisait était faux. C’est du moins ce qu’elle ressentait. Et après une phase exténuante, elle a finalement été congédiée.

Réagir à temps

Une analyse de l'année 2019 réalisée parl’assurance-maladie SWICA sur les cas de maladie au sein de deux grandes entreprises suisses montre des tendances similaires à celle du Job Stress Index. Elle constate que les cas de maladies psychiques y ont augmenté de manière disproportionnée: en l'espace de cinq ans, elles ont augmenté de 35%, contre 20% pour l'ensemble des cas de maladie. «Il s’agit d’une évolution que nous avons également constatée chez les autres clients», confie Silvia Schnidrig, responsable communication. 28 000 entreprises (soit un total de quelque 630 000 employés) sont assurées chez SWICA. Les absences des employé-e-s pour cause de maladie sont directement enregistrées dans le système.

Le stress chronique peut causer différents symptômes physiques et psychiques récurrents: épuisement émotionnel, insomnie, problèmes gastro-intestinaux, troubles cardio-vasculaires et circulatoires, irritabilité, état dépressif ou pensées négatives. Il s'agit de choses que tout le monde sait, mais pour de nombreuses personnes, il est difficile de trouver le bon moment pour agir. Bien souvent, elles attendent trop longtemps avant de faire confiance à une personne externe. Elles se mettent dans des situations improbables et pensent devoir les endurer ou espèrent que les choses finiront par s’améliorer.

Lors d’une longue période d’absence pour cause de maladie ou d’une réinsertion professionnelle, Brigitte Hiestand est d’avis qu’il vaudrait la peine que les psychothérapeutes et les psychiatres traitants échangent davantage avec les employeurs de leurs patient-e-s, avec l’accord de ces derniers. Ce contact est souvent inexistant: la thérapie se déroule de manière isolée. L’inclusion de l’employeur a pourtant souvent des effets positifs tant sur la situation professionnelle que sur le processus thérapeutique. 

Différentes mesures

Que peut-on faire en matière de prévention? Brigitte Hiestand conseille de ne pas perdre de vue la balance des charges et des ressources et de réagir rapidement en cas de déséquilibre. Les entreprises ou les responsables hiérarchiques, ont cependant aussi leur part de responsabilité. Veillent-ils à ce que leurs employé-e-s ne soient pas mis sous pression? S'apercevraient-ils des signes de stress? Comment eux-mêmes font-ils face aux défis?

SWICA accorde une grande importance à la gestion de la santé en entreprise. Le processus commence par une évaluation offrant un aperçu détaillé du niveau de stress qui prévaut au sein de l' entreprise, selon Silvia Schnidrig. C’est ensuite sur cette base que des mesures peuvent être définies et appliquées. Durant ce processus, des spécialistes GSE de SWICA se tiennent à disposition des entreprises. «Lorsqu’un-e employé-e s’absente en raison de problèmes psychiques, une intervention rapide est primordiale», souligne Silvia Schnidrig. Plus tôt la personne concernée obtient de l’aide, plus elle aura de chance d’être réintégrée dans le monde du travail.

*Les informations sur la personne demeurent anonymes

Première mise en ligne de l'article: 25.4.2019
Mise à jour: 5.5.2022