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Dans les cantines, on mange beaucoup de viande. Une étude montre que les clients optent de plus en plus souvent pour le menu végétarien, parfois même sans s’en apercevoir.

Deux jeunes femmes dégustent leur risotto à la tomate, au basilic, au mascarpone et aux légumes. «J’ai décidé de manger moins souvent de la viande pour le bien de l’environnement», explique l’une des deux apprenties employée commerce. Sa collègue est d’accord avec elle: la cantine de l'école professionnelle de Zurich propose régulièrement des menus attrayants sans viande. Pendant ce temps, trois hommes à la table voisine ont choisi le poulet aigre-doux servi avec du riz au jasmin – comme la plupart des clients ce jour-là. Ce plat est servi sur le devant du buffet et le poulet dégage un parfum alléchant dès l’entrée du restaurant. Ce jeudi de février, du cheebab – un kébab au fromage avec de la salade et de la sauce – et un cheeseburger au bœuf figurent également au menu.

Ce restaurant fait partie de SV Group, qui gère quelque 600 restaurants en Suisse, en Allemagne et en Autriche – dont la majorité se trouvent dans des instituts de formation et des entreprises. Le groupe s’est fixé pour objectif de réduire progressivement son empreinte CO₂ et de développer sa gamme de plats végétariens et végétaliens. Il entend également faire passer de 60 à 80% la proportion de viande provenant d’exploitations respectueuses des animaux. Le groupe collabore avec le WWF et la Protection Suisse des Animaux (PSA) pour mettre en œuvre ces projets. SV (Suisse) SA participe également au développement de nouveaux substituts de viande.

Il est désormais largement reconnu qu’une plus grande proportion d’ingrédients végétaux est meilleure pour l’environnement que les plats essentiellement composés de viande et d’autres produits d'origine animale. Mais malgré la forte présence du mouvement végétalien, la consommation moyenne de viande en Suisse ne diminue pas. Chaque année, près de 50 kilos de viande sont disponibles par personne, on ne sait par contre pas exactement quelle quantité est réellement consommée. Cette quantité n’inclut pas encore le poisson ni les achats à l’étranger. Autre élément souvent méconnu: selon les enquêtes de l’association professionnelle Proviande, près de 50% de la viande est consommée à l’extérieur. Cela donnerait aux établissements de restauration – notamment à ceux servant des repas de midi – une grande marge de manoeuvre pour réduire l’impact sur le climat.

Une plus vaste offre de repas sans viande

Une expérience menée par des scientifiques de la Haute école zurichoise des sciences appliquées en 2017 fournit quelques pistes. Dans deux cantines de la Haute école spécialisée de Wädenswil, qui sont également gérées par SV (Suisse) SA, l’offre de repas sans viande a été élargie pendant six semaines. Alors qu’en temps normal il y a deux menus à base de viande et un menu végétarien à choix, un seul menu à base de viande, un menu végétarien et un autre végétalien étaient proposés durant ces six semaines – auxquels se sont parfois ajoutés des menus restants de la veille.

De plus, les menus sans viande n’étaient pas identifiés comme tels. «Les menus végétariens ont mauvaise réputation auprès de beaucoup de personnes», explique Priska Baur, co-directrice des études. «Nous avons donc voulu savoir si les clients allaient choisir un plat végétarien ou végétalien s’il n’était pas signalé comme tel.» Mais pour cela, la qualité doit être bonne. Remplacer de la viande par des légumes trop cuits, ça ne fonctionne pas. Pendant l'expérience, les menus affichaient par exemple des capuns des Grisons aux légumes-racines, du curry de légumes aux lentilles avec des samoussas ou encore des burritos.

Les évaluations ont montré que les choix se sont nettement moins portés sur les menus à base de viande au cours des semaines végétariennes que pendant les semaines comparatives. Chez les femmes, qui mangent généralement moins de viande, la proportion est passée d’un peu moins de 40% à un peu plus de 28% et chez les hommes de 65% à 50%. Parallèlement, l’impact climatique moyen par plat a diminué de près d’un quart. Au total, plus de 26 000 ventes de menus ont pu être évaluées. C’est exceptionnel, déclare Priska Baur: il n’existe encore que peu d’études scientifiques sur les habitudes alimentaires réelles en général et dans le secteur de la restauration en particulier.

«Nous voulions savoir si les clients allaient choisir un plat végétarien ou végétalien s’il n’était pas signalé comme tel.»
Priska Baur

La plupart des personnes sont flexibles

L’enquête menée en parallèle auprès de quelque 1200 personnes sur le campus a également révélé que la satisfaction n’avait pas souffert de la diminution de viande – contrairement aux inquiétudes des exploitants, qui craignaient une baisse du nombre de clients et des pertes financières. L’agroéconomiste a également trouvé remarquable que certaines personnes déclarent ne jamais manger végétarien ou végétalien, alors que les données montrent qu’elles le font de temps en temps. «Devant d'appétissantes lasagnes aux légumes, beaucoup de gens ne réfléchissent même pas selon les schémas habituels. Il s’agit simplement d'un bon plat.»

Autre constat intéressant: seule une très petite minorité a consommé exclusivement avec ou sans viande. «On parle d'une majorité croissante de flexitariens», conclut Priska Baur. «Elle mange en toute conscience, mais trouve qu’une consommation modérée de viande est acceptable.» Cela vient contredire l’opinion répandue selon laquelle on mange soit toujours, soit jamais de viande. Ces recherches font partie du projet de recherche à grande échelle Novanimal.ch, subventionné par le Fond national suisse.

De nombreux cuisiniers n’ont pas été suffisamment préparés dans leur formation à une alimentation moderne comportant moins de viande. C'est pour cette raison que SV (Suisse) SA envoie ses cuisiniers suivre des cours à l’académie du Hiltl à Zurich, où ils trouvent de nouvelles idées et apprennent des techniques de préparation. «Participer à l’étude à Wädenswil a été réellement passionnant pour nous et nous a encouragés à poursuivre cette voie», déclare Manuela Stockmeyer du service communication. Elle affirme que pratiquement tous les restaurants SV proposent d’ores et déjà 50% de plats végétariens. «Cela fait déjà quelque temps que nous ne raisonnons plus selon les catégories viande/poisson ou végétarien, mais que nous privilégions des plans de menus variables.»

«On parle d'une majorité croissante de flexitariens»
Priska Baur

Les besoins des clients

Toutefois, un coup d’œil aux menus des différents établissements montre que cette stratégie ne s’est pas encore imposée partout, à l’instar de la cantine de l'école professionnelle de Zurich, où il y a souvent trois menus à base de viande et un seul menu végétarien au choix. S’y ajoute un buffet avec de nombreux plats végétariens, mais aussi de la viande. Les plats végétaliens ne figurent au menu qu’une fois par semaine environ. Les légumes de saison sont également rares en hiver. Dans cet établissement, la demande de viande est relativement élevée, explique Madame Stockmeyer. «Nous essayons bien entendu de faire renoncer les clients à la viande avec des plats végétariens de qualité, mais nous ne voulons pas non plus ignorer leurs besoins.»

Les nouveaux substituts de viande, qui sont déjà proposés dans d’autres cantines, ne sont pas encore disponibles dans le restaurant de l'école professionnelle. SV (Suisse) SA entretient une coopération avec la spin-off de l’EPF planted.ch. Cette dernière a récemment lancé un produit à base de farine de pois, qui est très similaire à l’émincé de poulet par son aspect, sa consistance et son goût. Il permet de préparer des plats traditionnels et populaires tels que l’émincé à la crème, tout en respectant le climat et les animaux. Manuela Stockmeyer affirme que, depuis 2012, il a déjà été possible de réduire l’impact climatique de 12%. «Nous constatons cependant qu’une réduction supplémentaire devient de plus en plus difficile. Pour y parvenir, la demande de nos clients en menus végétariens doit également augmenter.»

«Nous constatons cependant qu’une réduction supplémentaire devient de plus en plus difficile. Pour y parvenir, la demande de nos clients en menus végétariens doit également augmenter.»
Manuela Stockmeyer

Informations complémentaires

Auteure

  • Andrea Söldi

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