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«Le congé parental améliore l'égalité des chances»

    Malgré la récente décision d'accorder un congé paternité de deux semaines, la Suisse reste à la traîne au niveau international. Une meilleure solution comporterait pourtant des avantages économiques.

    Ce sont avant tout les grandes entreprises actives au niveau international qui se montrent généreuses à l'égard des familles: Volvo figure en tête avec un congé paternité de 24 semaines, suivie de Novartis et Google avec respectivement 18 et 12 semaines. Johnson & Johnson offre un congé de 8 semaines alors que le congé paternité chez Microsoft et Ikea s'élève à 6 semaines. Chez Zurich Assurances, les pères obtiendront quant à eux un congé paternité de 16 semaines dès cette année. De nombreuses autres entreprises proposent déjà deux ou trois semaines de plus que le minimum légal d'un jour.

    La situation va bientôt changer. En septembre 2019, la Parlement a voté l'instauration d'un congé paternité généralisé de deux semaines. L'exigence est le maintien d'un salaire de 80% jusqu'à un maximum de 196 francs par jour. La décision a été prise suite à la pression exercée par une initiative qui exigeait un congé deux fois plus long. Le comité dirigé par Travail.Suisse a toutefois retiré son initiative, par crainte d'échouer devant le peuple. Cependant, d'autres groupes sont déjà prêts à exiger des modèles beaucoup plus ambitieux aux niveaux cantonal et national.

    La Commission fédérale de coordination pour les questions familiale (COFF), en charge de conseiller le Conseil fédéral, a comparé les congés après la naissance dans les 36 pays de l'OCDE et examiné les effets des modèles respectifs.

    SEC: Les deux semaines de congé paternité votées par le Parlement lors de la dernière session constituent un progrès notable.

    C'est en effet plus que ce que nous avions osé espérer, mais cela ne constitue qu'un premier pas. Quand on constate qu'en Suisse, les mères et les pères figurent en avant-dernière position parmi les pays de l'OCDE en termes de congé parental, il n'y a pas de quoi se reposer sur nos lauriers. La moyenne au sein des pays de l'OCDE se situe à 54,4 semaines de congé parental.

    Plus d'un an de congé après une naissance, cela a-t-il vraiment un sens?

    Il serait souhaitable que les parents puissent disposer ensemble d'une année de congé. Il ne doit pas s'adresser uniquement aux mères, comme en Allemagne, où celles-ci peuvent prendre une année de congé, rendant possible le cumul de congés maternité. L'effet maximal se situe autour de 28 semaines. Des absences plus longues rendent le retour à la vie professionnelle plus difficile.

    En Suisse, les allocations perte de gain (APG) s'élèvent à 80% et à 196 francs par jour au maximum. Est-ce que c'est suffisant?

    Il s'agit d'un compromis entre les besoins des familles et les possibilités financières de la société. Les personnes actives disposant d'un revenu moyen ou élevé connaissent ainsi une baisse significative de leur salaire. Pour les parents à faible revenu, la réduction de 20% du salaire est également douloureuse. Si les allocations sont trop basses, on court le risque que les familles prennent le moins de congé possible pour ne pas se mettre en danger financièrement.

    Quel modèle préconisez-vous au terme de votre analyse ?

    Nous considérons que 38 semaines de congé parental sont une solution raisonnable : 14 semaines pour la mère, 8 semaines pour le père et 16 semaines à partager librement. A travers le concept de congé parental, nous en appelons à l'égalité entre les sexes. Les mères doivent bien entendu disposer de plus de temps pour se remettre de leur grossesse, de l'accouchement et pour allaiter leur enfant. Mais les pères doivent aussi pouvoir s'engager dans cette période épuisante, mais ô combien importante qu'est la petite enfance. C'est à travers cela qu'ils développeront dès le début un lien fort avec leur enfant et qu'ils prendront davantage de responsabilités par la suite.

    Les milieux économiques craignent que les absences prolongées - en plus des vacances, du service militaire et des congés maladie - ne représentent un fardeau trop lourd. Ce sont surtout les petites entreprises à prédominance masculine qui en souffriraient.

    Ils peuvent prendre comme exemple les branches traditionnellement féminines, qui ont dû développer il y a bien longtemps déjà des solutions aux absences liées au congé maternité.

    Nous devons déjà trouver de nouveaux modèles de financement pour l'AVS et l'AI. Comment voulez-vous en plus financer un congé parental plus long?

    Par exemple à travers les allocations pour perte de gain qui dédommagent déjà les mères et les personnes qui effectuent leur service militaire. Les cotisations devraient être augmentées d'environ 0,2 % pour les employeurs et les employés. Selon nos calculs, le modèle des 38 semaines coûterait entre 1,2 et 1,6 milliard de francs par an - selon le nombre de pères qui prennent un congé parental et en fonction de la durée de celui-ci. Mais il y aurait sûrement aussi beaucoup d'économies qui pourraient être faites ailleurs. Malheureusement, personne n'en parle.

    A quoi pensez-vous?

    Comme le montrent les études, les frais de santé diminuent: les femmes souffrent moins souvent de dépression et d'état d'épuisement lorsqu'elles bénéficient d'un congé parental. Les enfants sont en meilleure santé parce qu'ils sont allaités plus longtemps et subissent moins de stress. A long terme, l'emploi des femmes augmente, ce qui injecte de l'argent dans les assurances sociales. Les grosses lacunes de cotisation auxquelles sont confrontées actuellement les femmes se réduiraient. Et les frais de garde diminueraient pour les parents et pour l'état en raison de déductions fiscales moins élevées et de subventions moins élevées pour les structures d'accueil. Je suis convaincue que cela s'avèrerait économiquement rentable.

    La parentalité est-elle une tâche qui incombe à la société?

    Absolument. En Suisse, la parentalité est traditionnellement considérée comme une affaire privée, en particulier pour les femmes, ce qui est rétrograde. Lorsque des femmes en âge de procréer sont engagées aujourd'hui, elles subissent de manière unilatérale le risque lié à une grossesse et à l'absence qui s'ensuit. Le congé parental pour les mères et les pères améliorerait ainsi l'égalité des chances sur le marché du travail.

    Portrait
    Nadine Hoch est vice-présidente de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiale (COFF)

    Auteur

    • Andrea Söldi

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