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«La libre circulation des personnes est au cœur des relations entre la Suisse et l'UE»

2020 est une année importante pour les relations entre la Suisse et l'UE. Le 27 septembre 2020, la population suisse se prononcera sur l'initiative de limitation de l'UDC, qui pourrait conduire à la suppression de la libre circulation des personnes et donc de tous les accords bilatéraux I, ce qui serait très dommageable pour l'économie suisse.

La Suisse est dépendante de ses travailleurs étrangers. En conséquence, le comité central de la Société des employés de commerce prône le NON à cette initiative. Mais il est également urgent d'accroître la participation au marché du travail de la population indigène, en particulier celle des femmes et des travailleurs âgés. Dans une interview, Martina Hirayama, directrice du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), insiste sur l'importance de la libre circulation des personnes pour la formation et la recherche et explique de quelle manière le Message FRI 2021–2024 entend promouvoir davantage les travailleurs indigènes.

Existe-t-il un lien entre l'éventuelle adoption de l'initiative de limitation de l'UDC et la collaboration future entre lA Suisse et l'UE dans les domaines de la formation et de la recherche?

Oui. La collaboration entre la Suisse et l'UE dans le domaine de la recherche repose sur les Bilatérales I, dont la libre circulation des personnes constitue le cœur: 6 accords sectoriels spécifiques en dépendent et, parmi ceux-ci, l'accord sur la recherche.

En cas d'adoption du texte d'initiative, le Conseil fédéral devrait résilier l'accord sur la libre circulation des personnes. Du côté de l'UE, la résiliation de l'accord sur le programme-cadre de recherche «Horizon 2020» constituerait juridiquement la suite logique en vertu de la «clause guillotine» des Bilatérales I. Mais ce qui est décisif pour la coopération scientifique entre la Suisse est l'UE, c'est moins la résiliation de l'accord sur la recherche (qui échoit de toute manière à la fin de l'année 2020) que la remise en question de la participation de la Suisse à la nouvelle génération de programmes «Horizon Europe» à partir de 2021. Il faut partir du principe qu'un accord de coopération ne serait pas possible ou alors très difficile à conclure et que la Suisse ne pourrait participer au nouveau programme-cadre qu'avec un statut de «Etat tiers».

La situation est similaire à celle qui prévaut en matière de mobilité à des fins de formation, bien que nous ne soyons actuellement pas associés au programme «Erasmus+» de l'UE, mais que nous n'y participions qu'en tant qu'«Etat tiers». La résiliation de la libre-circulation des personnes ne faciliterait bien entendu pas la négociation d'une association au programme qui succédera à «Erasmus+» à partir de 2021.

De nombreuses branches connaissent déjà un manque de main-d'œuvre qualifiée. Celui-ci va aller en s'intensifiant durant les prochaines années en raison de l'évolution démographique. La Suisse est-elle en mesure de générer la main-d'œuvre requise dans un délai raisonnable? Quels sont les coûts associés à cela?

La situation est différenciée selon la branche et parfois aussi la région. Dans le même temps, on assiste à une évolution rapide du monde du travail liée à la numérisation. Notre système de formation et de recherche est mis à l'épreuve, mais il est bien positionné dans l'ensemble et, avec quelque 40 milliards de francs suisses annuels, bien doté de la part de la Confédération et des cantons. Il fournit aux individus des possibilités de formation fondées sur les besoins, coordonnées et orientées vers l'apprentissage tout au long de la vie dans le domaine académique comme dans celui de la formation professionnelle. Les universités obtiennent d'excellents résultats en matière d'enseignement et de recherche en comparaison internationale. Les entreprises ont donc accès à des spécialistes et à des cadres disposant de qualifications diverses. Ce mélange de qualifications constitue l'une des forces de la Suisse. Ceci lui confère un avantage géographique important. Mais il faut malgré tout être au clair sur le fait que la Suisse n'est pas en mesure de former elle-même tous les spécialistes dont elle a besoin.

La main d'œuvre étrangère ne peut couvrir qu'une partie de la pénurie de compétences en Suisse. Il est donc urgent d'accroître la participation de la population indigène au marché du travail. À cet égard, les femmes représentent le plus grand potentiel.

Portrait
Est directrice du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), faisant partie du département de l'économie, de la formation et de la recherche.

Fin février 2020, le Conseil fédéral a déclaré que l'égalité des chances était un thème central de son Message FRI 2021- 2024. Les femmes ne sont pourtant pas mentionnées dans l'octroi de crédits: font-elles les frais de la législature actuelle?

Non, absolument pas. L'égalité des chances est une thématique transversale importante au-delà de l'horizon 2021-2024. Le Conseil fédéral estime qu'il est opportun de traiter cette question autant que possible dans le cadre des instruments de promotion éprouvés et de mettre en œuvre des mesures en utilisant les structures et les processus existants. Les fonds correspondants se trouvent donc implicitement dans le financement de la formation professionnelle, du domaine des EPF, des hautes écoles cantonales ou dans l'encouragement à la recherche par le Fonds national suisse. Cela permet de disposer d'une compréhension globale de l'égalité des chances: les individus doivent pouvoir évaluer les options et prendre des décisions tout au long de leur vie en fonction de leurs capacités et de leurs talents, et non sur la base de stéréotypes, d'attentes biaisées ou de discriminations.

Fin 2019, l'alliance politique des associations d’employés et associations professionnelles indépendantes de la plateforme ont interrogé leurs membres en activité sur le traitement des collaborateurs-trices âgé-e-s dans l’entreprise. Celle-ci a montré que les employé-e-s plus âgé-e-s sont très intéressés par la retraite anticipée ou la réduction du taux de travail ainsi que par les modèles de travail flexibles. En revanche, les mesures visant à maintenir l'employabilité, telles que les bilans intermédiaires, ont suscité peu d'intérêt.

Le Message FRI 2021- 2024 prévoit entre autres des mesures favorisant les bilans de compétences et les conseils de carrière dès l'âge de 40 ans. Comment s'assurer que les employés plus âgés soient sensibilisés à la nécessité d'établir un plan de carrière en continu et qu'ils fassent usage de ces offres?

Un état libéral ne peut que fournir des conditions-cadres qui rendent possibles la formation et la formation continue. Sur cette base, l'engagement privé de chaque individu et, surtout, la sensibilisation des employé-e-s par l'employeur sont déterminants.

Dans cette perspective, la crise du coronavirus, bien que très grave dans son ensemble, constitue une opportunité en termes de formation continue. Elle a révélé nos lacunes de compétences et nous a poussés à apprendre. Elle a également montré que l'apprentissage de nouvelles compétences ne nécessite pas forcément des formations de plusieurs années. Elle a éveillé la curiosité de nombreuses personnes, ce qui constitue le meilleur prérequis pour que celles-ci s'engagent personnellement dans leur perfectionnement.

Publié le 09.09.2020

« Les individus doivent pouvoir évaluer les options et prendre des décisions tout au long de leur vie en fonction de leurs capacités et de leurs talents, et non sur la base de stéréotypes, d'attentes biaisées ou de discriminations. »
Martina Hirayama

Portrait

Martina Hirayama est directrice du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), faisant partie du département de l'économie, de la formation et de la recherche. Elle étudié la chimie à L'EPFZ, à l'Université de Fribourg ainsi qu'à l' Imperial College London. Elle a obtenu le titre de Dr. sc. techn. et a effectué des études postgrades en gestion d'entreprise à l'EPFZ. En 2003, Martina Hirayama rejoint la Haute école spécialisée zurichoise de Winterthour (ZHW) en qualité de chargée de cours en chimie industrielle. Elle devient plus tard directrice de la ZHAW School of Engineering puis membre de la direction de la ZHAW (2011-2018) et directrice des affaires internationales de la ZHAV (2014). Martina Hirayama a entre autres présidé l' Institut fédéral de métrologie (2012-2018), occupé la vice-présidence du conseil d'administration de l'Agence suisse pour l'encouragement de l'innovation Innosuisse (2011-2018) et été membre du Conseil de fondation du Fonds national suisse (2016-2018).

Réforme «Employé-e-s de commerce 2022»

Le monde du travail se numérise à grande vitesse, le marché du travail se flexibilise et la progression vers une société de services se poursuit. le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation (FRI) pendant les années 2021 à 2024 et l’a transmis au Parlement. L’objectif est de maintenir la Suisse à la pointe dans le domaine FRI en contexte de transformation numérique. La formation professionnelle, orientée vers le marché du travail et la pratique, doit aussi faire face à cette évolution. La réforme «Employé-e-s de commerce 2022» assure ainsi que les personnes diplômées de la formation commerciale initiale continuent de bénéficier d'une bonne formation, qu'elles continuent d'être demandées sur le marché du travail et qu'elles aient la possibilité de choisir parmi un large éventail de carrières. Des informations portant sur l'importance de ce processus de réforme pour la relève et pour le marché du travail en Suisse ainsi que sur la manière dont le système de formation duale peut rester attractif à l'avenir sont disponibles sur secsuisse.ch/employe-e-s-de-commerce-2022.

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